Voir ici pour l’une des questions que j’ai posées à une cohorte d’étudiants lors de l’examen de ce trimestre, l’autre groupe a reçu cette question :
Dans l’affaire C-81/23 CAF Italie et FPT Industrial, un tribunal autrichien a demandé à la CJUE la Q suivante : (j’ai simplifié la Q à des fins d’examen)
Doit point 2 de l’article 7 du [Brussels Ia] être interprété en ce sens que, dans une action en responsabilité délictuelle contre le développeur (domicilié dans l’État membre A, Italie) d’un moteur diesel avec un dispositif d’invalidation interdit…, le « lieu où le fait dommageable s’est produit ou peut se produire » dans un cas lorsque le véhicule a été acheté par le demandeur domicilié dans l’État membre B (ici : l’Autriche) à un tiers établi dans l’État membre C (ici : l’Allemagne) est a) le lieu où le contrat a été conclu ; b) le lieu où le véhicule a été livré, ou c) le lieu où le défaut physique constituant le dommage s’est produit et, par conséquent, le lieu où le véhicule est normalement utilisé ?
Les «dispositifs de défaite interdits» sont le type de dispositifs qui ont conduit, par exemple, au scandale du dieselgate de Volkswagen. Leur utilisation conduit à une consommation de carburant artificiellement basse dans des conditions de test, ce qui signifie qu’en réalité une voiture consomme plus que ne l’indiquent les tests. Une fois que cela a été révélé, la valeur d’occasion de ces voitures a chuté et les propriétaires ont dépensé beaucoup plus en essence pour la voiture qu’ils ne l’auraient prévu.
Pour votre information, en vertu de la loi autrichienne, « l’achat » (au sens d’acquisition de propriété) comprend la transaction qui crée la relation d’obligation (titre) et la transaction dispositive (procédure, en particulier le transfert). En cas de divergence entre le lieu de conclusion du contrat et le lieu du transfert, la propriété n’est acquise qu’au lieu du transfert du bien meuble. En revanche, selon d’autres droits nationaux, le droit français par exemple, le transfert de propriété se fait, en règle générale, dès la conclusion du contrat.
Comment suggérez-vous à la CJUE de répondre à cette question ? Argumenter en se référant notamment à la jurisprudence pertinente de la CJUE.
Je me serais attendu à ce que les étudiants répondent dans le sens suivant.
Premièrement, comme toujours avec ces questions à développement comme d’ailleurs avec l’approche de la CJUE à ce sujet, ils devraient se rappeler les principales lignes d’interprétation de la CJUE des dispositions pertinentes de cette affaire, ici : Bruxelles Ia et en particulier l’article 7(2). Les principes d’interprétation autonome (vu que A7(2) est engagé, la référence à CJUE Melzer aurait été évident), de prévisibilité ; la nécessité d’appliquer de manière restrictive des variantes (ici : A7(2) forum delicti) à A4 actor sequitur forum rei tout en respectant l’esprit de la CJUE Bier et sa distinction entre locus delicti commissi et locus damni.
Plus loin sur ce dernier, la question engage clairement le locus damni de Bier plutôt que le locus delicti commissi (référence utile de la CJUE Kainz pour ce dernier, et (voir également ci-dessous) manque de clarification du locus delicti commissi dans Volkswagen).
Beaucoup d’étudiants du cours auraient entendu l’écho de la CJUE Volkswagen, et il aurait fallu faire référence à [30] ff « lieu d’achat » par l’acquéreur en aval comme la manière dont le tribunal identifie le locus damni. Ici, les choses se compliquent (comme le fait souvent A7(2)) car comme l’indique la référence, il n’y a pas de ius commune sur le lieu d’achat, ni d’harmonisation européenne. La CJUE se heurtant aux limites de l’harmonisation (mes étudiants connaissent cela sous le nom de « Truman Show » ; CJUE Tessili contre Dunlop et Jaaskinen AG dans Maison du Whisky /Corman-Collins de bonnes références) aurait été un bon commentaire à faire, avec une réponse ) ayant peut-être le dessus (bien qu’à ce stade je sois moins intéressé par a, b ou c et plus par une structure et un plan d’attaque clairs ; une référence appropriée à la jurisprudence ; et une discussion des principes généraux).
Geert.
Droit international privé de l’UE, 3e éd. 2021, 2.460.