Dans le cadre de notre activité de vous alerter, nous publions ci-dessous un éditorial vu sur internet ce jour. Le sujet est «la justice».
Son titre (Loyers impayés: le tribunal de Toulon teste la justice à l’amiable) résume tout le papier.
La confiance est de ce fait impérieuse concernant cet article.
Le texte a été édité à une date notée 2023-06-05 00:29:00.
Ce matin-là, la petite salle des pas perdus au premier étage du Palais Leclerc, à Toulon, fourmille de locataires et de bailleurs venus en découdre à la barre du tribunal. Les uns ont été assignés par les autres qui réclament leur expulsion à cause d’arriérés de paiement.
« Il y a une possibilité de faire une conciliation à l’audience… », annonce le juge avant d’appeler les quarante-six affaires du jour. Ici un office HLM qui assigne un locataire défaillant, là l’avocat d’un propriétaire qui fait la même démarche à l’égard d’un couple, etc.
Une conciliation? La justice expérimente in situ ce mode de règlement des conflits à l’amiable. Concrètement, deux conciliateurs de justice sont présents à l’audience.
Les adversaires sont alors invités à se mettre autour d’une table, en présence de l’un de ces conciliateurs. C’est gratuit et la confidentialité est totale.
L’objectif est de parvenir à un accord qui repose essentiellement sur un échelonnement de la dette. Deux conditions: celle-ci ne doit pas excéder 5.000 euros et le délai de remboursement ne pourra dépasser 36 mois.
Si les parties s’entendent, l’arrangement est immédiatement homologué par le juge. « Les gens reprennent leur procès en main, ils ne subissent pas une décision “qui vient d’en haut ». »
« Chacun fait un pas vers l’autre »
« C’est une négociation, chacun fait un pas vers l’autre », résume Olivier-Nicolas Lambert, l’un des vice-présidents du tribunal judiciaire de Toulon, selon lequel il n’y a pas de profil type du payeur défaillant.
Certains peuvent être de mauvaise foi, d’autres sont confrontés à de réelles difficultés (chômage, maladie, etc.) « Il y a des affaires où un petit coup de médiation, ça fait du bien. »
On assiste ainsi à la signature d’un « procès-verbal (PV) de conciliation », à la barre du tribunal, après qu’un locataire de la cité de La Florane (Toulon) a accepté d’ajouter 55,55€ à son loyer mensuel jusqu’à l’apurement d’une dette de 2.000€.
Une autre habitante d’un quartier pavillonnaire a fini elle aussi par signer (36 mensualités de 103€), son propriétaire lui fait grâce des frais de justice.
Les locataires sont solennellement invités à respecter leur signature. « Si vous ne le faites pas, le bailleur pourra vous expulser sans repasser par le tribunal », prévient le juge en contresignant le document revêtu du sceau de la justice.
Gagnant-gagnant
Et c’est là tout l’intérêt du dispositif. Le locataire est assuré que son bail ne sera pas résilié et dans la plupart des cas il retrouve ses aides au logement (suspendues en cas d’impayés) avec une rétroactivité sur deux ans.
De son côté, le propriétaire s’épargne des délais à rallonge et autres aléas de la justice, et pourra saisir un commissaire de justice (autrefois appelés huissier) en vue d’une expulsion, dès le premier impayé.
Le PV de conciliation n’est pas susceptible d’appel et a la même valeur qu’une décision de justice. Ce matin-là, l’audience du tribunal affiche un taux de conciliation de 10,8%.
« Je n’en espérais pas tant pour une première », se satisfait Olivier-Nicolas Lambert. « La présence de ce nouveau procédé et des conciliateurs insuffle de l’apaisement dans les débats à l’audience. »
La juridiction, compétente pour l’aire toulonnaise (550.000 habitants, soit plus d’un Varois sur deux), prononce mensuellement jusqu’à 150 ordres d’expulsion.
Une campagne de recrutements
Le dispositif expérimenté à l’audience du tribunal de Toulon s’inscrit dans le cadre du développement d’une « politique de l’amiable » lancée par le ministre de la Justice en début d’année.
« Mon objectif est clair: réduire par deux les délais de nos procédures civiles d’ici 2027 », a annoncé Éric Dupond-Moretti en janvier dernier.
À Toulon, le juge Olivier-Nicolas Lambert ambitionne de doubler progressivement le nombre de conciliateurs de justice.
Les vingt-deux conciliateurs bénévoles actuellement assermentés dans le ressort tiennent des permanences régulières dans des mairies, des centres communaux d’action sociale, ou à la Maison de la justice et du droit (Toulon).
« À l’heure de la dématérialisation des services publics, c’est l’un des derniers lieux de parole… »
Les personnes intéressées peuvent adresser une lettre de candidature au « Juge des contentieux et de la protection », Palais Leclerc, 140 Bd Maréchal Leclerc, 83000 Toulon. Avoir une formation ou une expérience dans le domaine juridique est requis.