Un des articles écrits par le Dr Monique Sasson et en vedette dans le Journal of International Arbitration Numéro spécial sur les travaux Empiriques en Arbitrage Commercial, sous la direction du Dr Monique Sasson, Dr Crina Baltag, Roger P. Alford, Matthew E. K. Hall, sous la direction générale du Prof. Dr. Max Scherer, a discuté de la politique publique à la lumière des résultats de la recherche empirique.
La recherche empirique des jugements des tribunaux nationaux (concernant à la fois la vacance et l’exécution des sentences commerciales internationales) disponibles dans l’arbitrage Kluwer La base de données (la ”Base de données ») a révélé que des objectifs fondés sur l’ordre public ont été relevés dans 44% des procédures d’exécution et dans 38% des procédures d’annulation. Les taux de réussite de ces objectifs n’étaient que de 19% et 21%, respectivement; cependant, le nombre de fois où les objectifs de politique publique ont été respectés ne peut être considéré comme insignifiant.
L’analyse des arrêts des juridictions nationales indique que l’ordre public est généralement accepté dans un ensemble limité de circonstances restreintes, bien que parfois certains tribunaux accordent une large portée à l’ordre public.
L’article examine d’abord le concept et la définition de la politique publique, puis énumère quelques exemples d’actions qui ont été considérées comme une violation de la politique publique et se termine par une brève analyse des approches “maximalistes” par rapport aux approches “minimalistes”, à l’application de l’exception de politique publique à l’exécution des sentences.
Le Concept et la Définition de la Politique Publique
Le concept de politique publique est largement invoqué: Article V(2) (b) de la Convention de New York prévoit que la reconnaissance et l’exécution d’une sentence “peuvent également être refusées » si “la reconnaissance et l’exécution de la sentence seraient contraires à l’ordre public”. L’annulation des dispositions de nombreuses lois nationales sur l’arbitrage fait également référence à l’ordre public. Cependant, il n’existe pas de définition autonome de la politique publique. Les auteurs, arbitres et juges se sont souvent référés à une norme internationale autonome. L’une des définitions les plus fréquemment invoquées identifie “les notions les plus élémentaires de moralité et de justice” comme constituant l’ordre public.
Cette interprétation étroite de la politique publique est nécessaire pour éviter que l’exception de politique publique ne devienne “un moyen d’examiner la sentence sur le fond ». Par conséquent, l’invocation d’une violation de l’ordre public ne devrait pas être un mécanisme permettant un examen de fond de la sentence, mais seulement un examen limité pour déterminer si l’exécution ou la confirmation de la sentence violerait gravement les principes fondamentaux. Cette application de la politique publique vise à équilibrer l’intérêt de maintenir l’autonomie et l’efficacité de l’arbitrage et, d’autre part, de sauvegarder les principes fondamentaux de la justice.
L’Association de droit international (”ILA ») a adopté une résolution en avril 2002 sur l’interprétation des politiques publiques, déclarant que
[t]l’expression » ordre public international” est utilisée dans ces Recommandations pour désigner l’ensemble des principes et règles reconnus par un État, qui, de par leur nature, peuvent faire obstacle à la reconnaissance ou à l’exécution d’une sentence arbitrale rendue dans le cadre de l’arbitrage commercial international lorsque la reconnaissance ou l’exécution de ladite sentence cesserait leur violation en raison soit de la procédure suivie à laquelle elle a été rendue (ordre public international procédural), soit de son contenu (ordre public international substantiel)..
Cette résolution a également souligné l’importance de la finalité dans l’arbitrage commercial international et, en même temps, la nécessité de protéger les principes les plus fondamentaux du système de justice d’un État.
Exemples de violations de l’ordre public
La base de données contient plusieurs arrêts confirmant une objection d’ordre public. Ces affaires comprenaient des violations de l’ordre public substantiel et de l’ordre public procédural.
Des exemples de la première catégorie étaient: i) violation de la souveraineté nationale (la sentence ordonnait au défendeur de restituer une zone de ses eaux nationales pendant trois ans à la partie adverse); ii) contrainte (l’une des parties a été amenée à comprendre qu’il serait maintenu en prison s’il ne signait pas la clause compromissoire), iii) fraude et corruption (il y avait deux arrêts contradictoires: a ) un arrêt de la cour française estimant que la cour avait le pouvoir d’enquêter pour savoir si la sentence était entachée de corruption et constatant que la cour n’était pas liée par les conclusions du tribunal arbitral; b) et une affaire anglaise jugeant étant donné que le tribunal arbitral était compétent pour trancher la question de l’illégalité, il y avait une marge de manœuvre très limitée pour qu’un tribunal anglais réexamine la question de l’illégalité); et iv ) pénalité (pénalité disproportionnellement élevée) ou dommages-intérêts (taux d’intérêt extrêmement élevé).
Voici quelques exemples de la deuxième catégorie: i) violation de la procédure régulière pour manque d’impartialité; ii) défaut de motiver adéquatement la sentence; iii) de facto exclusion d’un arbitre des délibérations du tribunal.
La Décision du Tribunal Arbitral lie-t-elle les tribunaux: les approches Maximaliste et Minimaliste
La question de savoir si les tribunaux devraient être liés par la décision d’un tribunal arbitral sur la question des principes fondamentaux reste ouverte. L’approche maximaliste donne plus de latitude aux tribunaux, tandis que l’approche minimaliste suggère que les tribunaux sont liés par la détermination de la question d’ordre public à laquelle le tribunal arbitral est parvenu.
L’approche maximaliste, en conservant le pouvoir de la cour de trancher les questions d’ordre public, implique que la cour enquêtera sur les motifs d’ordre public et décidera s’il y a eu violation des principes fondamentaux même si le tribunal arbitral s’est prononcé sur la même question. Cette approche a été critiquée car elle peut constituer une tentative de révision de la prise de décision du tribunal arbitral, sapant ainsi le principe fondamental de la finalité de l’arbitrage.
L’approche minimaliste considère que les tribunaux sont liés par la décision rendue par le tribunal arbitral. Les critiques de cette approche ont souligné qu’en déléguant la décision sur la question de l’ordre public à l’évaluation d’un tribunal arbitral, le contrôle de l’État sur les principes qui sont le fondement de son système judiciaire est diminué.
Conclusion
Les décisions de justice dans la base de données montrent que l’objection d’ordre public est couramment soulevée; c’est une sorte d’objection “fourre-tout”. Les jugements dans lesquels cette objection a été confirmée sont généralement très détaillés et concernent des comportements extrêmes auxquels on n’est pas souvent confronté dans la pratique. Cependant, il y a quelques jugements où les tribunaux ont canalisé à travers la politique publique une détermination révisée du bien-fondé du différend sous-jacent; c’est, bien sûr, une évolution qui comporte des dangers pour l’arbitrage international.
L’examen par un tribunal d’une objection d’ordre public devrait rechercher un équilibre: (i) l’autonomie de l’arbitrage; et (ii) le droit de l’État de préserver les principes fondamentaux de son système juridique. Atteindre cet équilibre renforcera la légitimité de l’arbitrage en tant que moyen de résoudre les différends conformément aux règles les plus importantes de l’État.
Le « second regard » d’un tribunal sur les questions de fraude, de corruption, d’accords fictifs et de violation de la procédure régulière vise à protéger les principes fondamentaux de la justice. Cependant, l’évaluation par un tribunal du contenu de la loi applicable, ou l’évaluation probatoire du tribunal arbitral, ou les exigences formelles d’une sentence, sapent la confiance du public dans l’arbitrage en tant que méthode définitive et contraignante de règlement des différends.
Note: Ce billet fait référence à un article publié dans le Numéro spécial de JOIA, Volume 39 no 3, pp 411-432. Les sources des références dans ce post peuvent être trouvées dans les notes de bas de page de l’article JOIA.