Merci beaucoup confrère Lucian Ilie d’avoir partagé une copie de l’affaire jusqu’ici inédite Thomas Hilton Matthews contre Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France [2023] EWHC 2175 (KB) – Matthews contre MACIF en abrégé.
Maître Ilie a obtenu avec succès un jugement de la Haute Cour (Ritchie J siégeant en appel) annulant l’enregistrement en vue de l’exécution en vertu de Bruxelles I (ancien : Règlement 44/2001) d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 avril 2013, comme le rapportent ici ses chambres.
La convocation devant la Cour d’appel (comme l’explique en détail le jugement du juge Ritchie) n’était pas parvenue à M. Matthews en raison de son retour en Angleterre et du jugement ultérieur, réduisant ainsi un paiement antérieur (qui avait déjà été transféré à M. Matthews). par la compagnie d’assurance MACIF pour ses blessures, etc. suite à une collision avec une voiture alors qu’il faisait du vélo, a été délivré en son absence. La MACIF a tenté en vain de signifier le jugement de la Cour d’appel à M. Matthews à son ancien emplacement en France, et pendant 9 ans, aucun contact avec les Matthews en Angleterre n’a été établi. (D’après les déclarations des témoins, Ritchie J a admis que le fait qu’une copie du jugement ait été laissée au père de Mme Matthews en France n’avait pas été mentionné au couple, et encore moins reçu). La MACIF a ensuite obtenu en juin 2022 un certificat de jugement de l’annexe V Bruxelles I (qui mentionnait seulement que le montant à verser à M. Matthews était désormais « moins favorable », sans citer de chiffres) et a attendu encore 9 mois avant de demander ex parte ( jugé par Ritchie J [34] être « ni juste ni juste » dans les circonstances), enregistrement du jugement en Angleterre, dans la langue [34] ne reflétant aucun contexte de l’affaire et contrairement au certificat de l’annexe V, mentionnant un montant exact. La demande a été accordée.
En appel, les questions ont été acceptées [9] par les parties ont été résumées par le juge comme suit [10]
(1) Signification : L’appelant a-t-il été suffisamment informé de (1.1) le début de l’appel et (1.2) du jugement de Paris, de sorte qu’il puisse défendre l’appel du jugement du Tribunal et/ou faire appel du jugement de Paris ?
(2) Le règlement CE : l’ordonnance rendue par le capitaine est-elle celle qu’il était en droit de rendre à la lumière des affirmations selon lesquelles :
(2.1) il ne correspond pas au libellé du certificat de l’annexe V résumant l’arrêt de Paris, dont les termes faisaient du défendeur le débiteur judiciaire et non l’appelant et n’ordonnaient pas le paiement d’une somme par l’appelant au défendeur ;
(2.2) L’appelant a récemment fait appel du jugement de Paris, celui-ci est-il donc actuellement exécutoire ? Le recourant affirme que le jugement de Paris est un jugement par défaut et qu’il n’est pas exécutoire pour défaut de signification ;
(2.3) l’Appelant affirme que l’Intimé n’a aucun intérêt dans l’Arrêt de Paris en tant que créancier et que l’Appelant n’a rien été condamné à payer ;
(2.3) (sic) pour des raisons d’ordre public dues au comportement de la MACIF, il n’aurait pas dû être enregistré.
Sur la question de service Ritchie J se réfère à des jugements anglais de première instance qui sont cependant étayés par des études continentales et certaines indications de l’autorité de la CJUE : les règles procédurales de la lex fori sont une indication de signification valable mais non décisive, et prenant en compte d’autres points de départ énumérés [43]il considère que la signification n’était pas valable, déclenchant ainsi l’article 34 Bruxelles I, devenu article 45 Bruxelles Ia (pas sensiblement différent pour le cas d’espèce) : absence de signification dans l’État membre d’origine devoir (pas seulement peut) conduire à un refus de reconnaissance.
Obiter, le juge refuse également la reconnaissance pour quatre autres motifs
sur la forme : la présentation du jugement étranger a eu lieu [49] avoir revient à réécrire;
Étant donné que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris n’est plus exécutoire en France dans l’attente de l’appel désormais lancé par les Mathew, il ne peut pas non plus être exécutoire au Royaume-Uni. [50];
[51] MACIF n’est pas créancier judiciaire au sens de l’arrêt de Paris : ce jugement réduit le montant que M. Matthews doit recevoir, mais il ne détient pas au moins directement le droit pour MACIF de recevoir le paiement de M. Matthews ;
[52] le retard dans la procédure d’exécution causant un préjudice substantiel à M. Matthews, la transcription infidèle du certificat de l’annexe V, les efforts insuffisants pour localiser M. Matthews ; la procédure d’enregistrement auprès d’E&W, qui aurait en réalité dû être menée entre partes, aurait également conduit à un refus pour des raisons d’ordre public.
Une discussion rare et approfondie sur l’article 34 BI/45 BIa et, pour cela seul, très remarquable.
Geert.
Droit international privé de l’UE, 4e éd. 2024, 2.600 ff.