Mercredi, le Tribunal s’est prononcé pour la première fois sur la qualité juridique d’un député européen pour contester un règlement délégué de la Commission et sur les critères de qualité pour agir en pareil cas.
En 2020, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le règlement 2020/852 relatif à l’établissement d’un cadre visant à faciliter l’investissement durable, qui établit les critères permettant de déterminer si une activité économique est qualifiée d’écodurable, à la lumière de divers objectifs environnementaux qui y sont définis, l’atténuation du changement climatique étant l’un de ces objectifs.
Dans le cadre dudit règlement, les activités de transition, pour lesquelles il n’existe pas d’alternatives bas carbone technologiquement et économiquement réalisables, contribuent substantiellement à l’atténuation du changement climatique lorsqu’elles ont une trajectoire vers la neutralité climatique, sous réserve du respect de certains critères.
À cet égard, la Commission européenne a adopté le règlement délégué 2022/1214 établissant les critères techniques d’examen pour déterminer dans quelles conditions certaines activités économiques liées au gaz fossile et à l’énergie nucléaire constituent des activités transitoires susceptibles de contribuer, entre autres, aux objectifs d’atténuation du changement climatique .
Estimant que la Commission avait outrepassé les pouvoirs d’adoption d’actes délégués qui lui étaient conférés, M. René Repasi, député au Parlement européen, a introduit un recours en annulation, devant le Tribunal, contre le règlement délégué, faisant valoir que ce règlement violait les la compétence législative du Parlement et, partant, les droits du requérant en tant que député.
Premièrement, la Cour a précisé que, en vertu de l’article 263, paragraphe 4, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre un acte qui ne lui est pas adressé lorsque l’acte en cause la concerne directement et individuellement ou lorsqu’il est un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si cet acte les concerne directement, ce qui signifie que l’acte attaqué doit affecter directement la situation juridique du particulier et ne doit laisser aucune marge d’appréciation à ses destinataires chargés de son exécution.
Ainsi, en l’espèce, s’agissant de la qualité du requérant pour contester le règlement délégué 2022/1214, la Cour, se référant à sa jurisprudence antérieure, a confirmé qu’un acte du Parlement qui affecte les conditions dans lesquelles ses députés exercent leurs fonctions parlementaires est un acte qui affecte directement leur situation juridique.
Toutefois, la Cour a jugé que la jurisprudence se réfère à des mesures d’organisation interne du Parlement qui affectent directement ses membres et ne peut être transposée au cas d’espèce dans lequel les droits de ses membres ne pourraient être affectés qu’indirectement par la violation alléguée de la législation du Parlement compétence. Dès lors, la Cour poursuit en indiquant que l’ensemble des droits du requérant liés à l’exercice de la compétence législative du Parlement sont destinés à être exercés uniquement dans le cadre des procédures internes du Parlement et ne peuvent donc être considérés comme directement affectés par l’adoption du règlement délégué 2022/1214.
Par ailleurs, à cet égard, la Cour a jugé que, s’agissant des principes de démocratie représentative et d’Etat de droit, invoqués par le requérant à l’appui de sa demande, ainsi que de la protection de l’équilibre institutionnel et du droit à la protection juridictionnelle des minoritaires, ne sont pas de nature à remettre en cause cette constatation, dès lors que le Parlement dispose d’un droit de recours contre les actes du droit de l’Union afin que le respect de ces principes soit assuré.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le requérant n’a pas qualité pour agir au motif que le règlement délégué 2022/1214 ne le concerne pas directement.
Lire le communiqué de presse ici.