Climate seniors c. Suisse – Une nouvelle ère pour la protection contre le changement climatique ou maintien du statu quo ? – EJIL : Parlez !

Les spécialistes du changement climatique et les membres du public consacrent leur attention à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, la Cour) à Strasbourg, où ses premières affaires relatives au changement climatique sont en cours de décision. Actuellement, trois affaires climatiques sont pendantes devant la Grande Chambre de la CEDH : Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse (requête n° 53600/20), Carême c. France (requête n° 7189/21) et Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 ​​autres (requête n° 39371/20). Dans le cas d Climat seniors c. Suisse, les requérants ont plaidé une violation des art. 2, 8, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, la Convention) concernant leurs droits à la vie, au respect de la vie privée et familiale, à un procès équitable et à un recours effectif.

La question des obligations des États en matière de droits de l’homme en réaction au changement climatique en vertu de la CEDH entraîne certains problèmes liés à la fois à la recevabilité et au fond des « affaires climatiques ». Cet article traite des questions centrales de la protection du climat en vertu de la CEDH sur la base de Climat seniors vs Suisse. Après une brève introduction sur le contexte de l’affaire, nous exposerons quelques problèmes spécifiques abordés par la Cour EDH lors de son audition du 29 mars 2023. A partir de là, il sera possible de donner un aperçu de la manière dont la Cour EDH traitera le enjeux présentés ici.

Contexte de l’affaire

le climat seniors affaire traite des effets du changement climatique sur les personnes âgées. Les requérantes sont constituées d’une association de femmes âgées ainsi que de quatre femmes âgées de plus de 80 ans. Dans leur requête, elles ont fait valoir que l’augmentation des températures due au changement climatique entraîne de graves risques pour la santé et une augmentation de la mortalité, en particulier chez les femmes âgées, y compris les candidats. Ils décrivent en outre des effets néfastes sur leur santé et leur vie privée et familiale, à savoir la perte de conscience ou le confinement à domicile lors des canicules. Les requérants prétendent que la Suisse manque à ses obligations positives au titre de la CEDH, car l’État ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher une augmentation de la température globale de plus de 1,5°C et ne protège donc pas efficacement les requérants.

Les juridictions suisses ayant rejeté leur affaire pour défaut de recevabilité sans examiner le fond, les requérants invoquent également des violations de leurs droits à un accès effectif à un tribunal (art. 6(1) CEDH) et à un recours effectif (art. 13 CEDH en liaison avec les articles 2 et 8). Le Tribunal fédéral suisse, en tant qu’instance finale, a conclu dans son arrêt du 05 mai 2020 que les requérants ne pouvaient pas utiliser les mesures de protection des personnes employées contre les omissions alléguées des organes de l’État suisse (par. 8). Elle a également nié les violations des droits de la CEDH sur la base d’un manque d’affectation concrète des requérants (par. 5.4).

Protection du climat en vertu de la CEDH

La protection du climat et la CEDH sont un match délicat. Bien que la CEDH ne contienne aucun droit de l’homme spécifique à l’environnement, la CEDH a interprété différents droits pour prévoir certains types de protection de l’environnement. Depuis Lopez Ostra c. Espagne, il est clair que l’art. 8 CEDH contient une obligation de protéger en matière d’environnement. La Cour EDH a également constaté une obligation positive de prendre des mesures préventives contre les catastrophes environnementales résultant de l’art. 2 CEDH (cf. Öneryildiz c. Turquie para. 101 et Özel et autres c. Turquie para. 173). Cependant, certains problèmes spécifiques se présentent lors de l’examen de l’incapacité à prendre des mesures pour atténuer le changement climatique mondial en tant que violations des droits de la CEDH.

Une question centrale de la climat seniors l’affaire est de savoir si les requérants ont le statut de victime au sens de l’art. 34 CEDH. En premier lieu, un lien de causalité entre les omissions alléguées de la Suisse et les effets du réchauffement climatique, notamment caniculaire, sur les requérants est requis. La Suisse a nié un tel lien en raison du fait que le changement climatique est un phénomène mondial et de la faible intensité des émissions de gaz à effet de serre de l’État (par. 39). Les requérants, en revanche, ont répondu que la Suisse contribuait au changement climatique et à l’augmentation et à l’intensité des vagues de chaleur (paragraphe 68, voir également ici). En savoir plus sur le sujet du statut de victime dans cette affaire dans cet article d’Evelyne Schmid.

L’État a en outre soutenu que les effets négatifs sur les droits des requérants en vertu de l’art. 2 et 8 CEDH n’étaient pas suffisamment sévères pour qu’elles soient considérées comme victimes des violations alléguées (par. 55). Le problème réside dans le fait que le changement climatique se produit progressivement et qu’un certain seuil doit être atteint pour que la Cour constate une violation de la CEDH (plus à ce sujet ici). Sur un plan plus substantiel, on peut se demander quelles seraient exactement les obligations de la Suisse en matière d’atténuation du changement climatique.

L’audience de la CEDH en Climat seniors c. Suisse

Les questions mentionnées ci-dessus ont également été abordées lors de l’audience devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme le 29 mars 2023. Bien qu’une discussion de toutes les questions de l’affaire dépasse le cadre de cet article, il est possible de souligner certains points importants soulevés au cours de l’audience. audience.

En ce qui concerne la recevabilité de l’affaire, les représentants de la Suisse ont fait valoir que la demande constituait une action populaire et que le régime de la CEDH n’était pas adapté pour offrir une protection générale contre le changement climatique. En outre, les requérants n’étaient pas confrontés à un risque réel et imminent et il n’existait aucun lien de causalité entre les émissions de la Suisse et le préjudice subi par les requérants.

Sur une question de fond, les représentants suisses ont également souligné que la Suisse remplissait ses obligations au titre de l’Accord de Paris (AP). Le représentant des requérants a contesté que la Suisse en fasse assez pour viser une augmentation ne dépassant pas 1,5 °C par rapport au niveau de référence de 1990, tout en indiquant simultanément qu’on ne demandait pas à la Cour si la Suisse violait l’AP, mais seulement si les requérants étaient en danger. Une question discutée assez intensivement à cet égard était de savoir si les émissions produites à l’étranger par la consommation et les flux financiers doivent être prises en compte lors du calcul des émissions de gaz à effet de serre suisses et des obligations correspondantes de réduction de ces émissions. Ici, le représentant des demandeurs a également souligné que la Suisse n’avait jamais évalué ses obligations de réduction des émissions sur la base de l’ »équité », c’est-à-dire le principe des responsabilités communes mais différenciées et l’approche du partage équitable.

Les juges de Grande Chambre ont ensuite posé des questions relatives à la recevabilité et au fond de l’affaire. Concernant le statut de victime des requérants, une question était de savoir où « tracer la ligne » entre ceux qui peuvent et ne peuvent pas se prétendre victimes, car plusieurs personnes peuvent être vulnérables au changement climatique et au réchauffement climatique. Le représentant des requérants a répondu en soulignant le risque accru de mortalité liée à la chaleur pour les femmes âgées et a déclaré que d’autres pouvaient également être vulnérables et que la Cour devait trouver une solution dans d’autres affaires respectives. À la question de savoir quel effet une augmentation de son objectif de réduction aurait sur les requérants, la Suisse a répondu qu’il n’y en aurait pas. Au contraire, le représentant des requérants a terminé ses réponses en se référant aux décisions des États parties selon lesquelles chaque État doit faire sa part pour atténuer le changement climatique.

Conclusion et perspectives d’avenir

Bien qu’il soit difficile d’estimer le résultat de la décision de la Cour, celle-ci reprendra probablement les questions discutées lors de l’audience, ce qui laisse entendre que la Cour se prononcera sur la recevabilité ainsi que sur le fond de l’affaire.

Selon la doctrine de « l’instrument vivant » (par. 31), la CEDH doit être interprétée à la lumière des circonstances actuelles, y compris les évolutions et les normes acceptées dans ses États membres (par. 15). Dans ce contexte, les arrêts évoqués par le représentant des requérants, à savoir le 2021 Décret Climat de l’allemand Cour constitutionnelle fédérale (BVerfG) et le 2019 Urgenda jugement des Hollandais Haut-Raad, pourraient être avancées en rapport avec la question du lien de causalité entre le comportement d’un seul État et le changement climatique. Le BVerfG a conclu dans cette décision que l’Allemagne ne pouvait pas échapper à ses responsabilités en matière de protection du climat « en pointant du doigt les émissions de gaz à effet de serre dans d’autres États » (paragraphe 203). Les Hollandais Haut-Raad de même, n’a pas accepté la défense de l’État selon laquelle la contribution des Pays-Bas au changement climatique était relativement faible en comparaison mondiale (paragraphe 5.7.7).

Sur le fond, cependant, une décision détaillée concernant les obligations de la Suisse en matière de réduction des émissions est peu probable. Premièrement, l’audition a montré la difficulté de calculer le budget d’émissions restant de la Suisse et les obligations de réduction correspondantes en tenant compte des principes du droit international tels que les responsabilités communes mais différenciées. Deuxièmement, on peut se demander si la Cour européenne des droits de l’homme veut assumer un « rôle quasi législatif » et prendre une position détaillée sur les obligations des États en matière de changement climatique, qui sont réglementées dans d’autres instruments internationaux.

En fin de compte, on peut dire qu’indépendamment du fait qu’une violation soit constatée ou non : une fois la décision prise, une nouvelle compréhension de la protection contre le changement climatique dans le cadre de la CEDH sera inévitable.

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