Bilan de l’année 2022 : Suisse (Partie I : Indépendance et impartialité de l’arbitre, exécution)

Cet article met en évidence les développements les plus importants liés à l’arbitrage en Suisse en 2022 qui intéressent la communauté de l’arbitrage international dans son ensemble. Première partie se concentre sur le thème de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres ainsi que sur l’exécution des sentences arbitrales en Suisse, le tout du point de vue du Tribunal fédéral suisse («SFSC»). Partie II se concentre sur les décisions de la SFSC fournissant des orientations utiles sur le recours à la révision (en vigueur depuis janvier 2021) et sur le concept de « chalandage fiscal ». La partie II résume également brièvement les principales évolutions de la législation et du règlement d’arbitrage suisses (Règlement suisse supplémentaire et Code TAS).

Indépendance et impartialité de l’arbitre

a) Remplacement lorsque des circonstances objectivement établies donnent l’apparence d’un parti pris

Dans la décision 4A_404/2021 (04.01.2022), la SFSC a confirmé sa jurisprudence constante selon laquelle la partialité est présumée si, sur la base de toutes les circonstances factuelles et procédurales, sont perceptibles des signes susceptibles d’éveiller la méfiance dans l’impartialité d’un arbitre.

Le différend sous-jacent concernait un arbitre dont le cabinet d’avocats associé avait exercé les fonctions de consul honoraire aux Philippines (vraisemblablement à titre honorifique) mais avait mis fin à son engagement avant le début de l’arbitrage et, selon l’appelant, les Philippines étaient affectées par l’issue de la arbitrage. La SFSC a rejeté le recours en annulation de la sentence au motif d’une mauvaise composition du tribunal arbitral (article 190(2)(a) PILA) car elle considérait que la fin de l’activité de consul honoraire n’était pas comparable à un mandat d’avocat en cours.

La SFSC a souligné qu’un arbitre doit être indépendant et impartial au même titre qu’un juge étatique et que le non-respect de cette règle entraîne une nomination irrégulière au sens de l’article 190(2)(a) du droit international privé suisse (« LDIP »). Pour déterminer si un arbitre offre des garanties suffisantes, les principes de l’article 30, paragraphe 1, de la Constitution fédérale suisse doivent être appliqués, en tenant compte des particularités de l’arbitrage.

Selon cette décision, un avocat agissant en tant qu’arbitre créera une apparence de partialité si lui-même ou un avocat du même cabinet est lié à une partie par un mandat en cours ou a agi à plusieurs reprises en tant que représentant légal du côté d’un partie, de sorte qu’une sorte de relation permanente existe entre eux. Pour le remplacement d’un arbitre, il suffit que des circonstances objectivement établies donnent l’apparence de partialité et suscitent des inquiétudes quant à la partialité de l’arbitre. En revanche, toute relation de nature économique, professionnelle ou personnelle ne donne pas en soi l’apparence d’un parti pris, et les impressions purement individuelles d’une des parties au litige ne sont pas déterminantes.

b) L’allégation de partialité ne peut être utilisée pour critiquer des constatations factuelles ou des évaluations juridiques

La SFSC a suivi les mêmes principes et, dans la décision 4A_462/2021 (07.02.2022), a rejeté l’appel contre la sentence finale, dans lequel l’appelant alléguait la partialité du président (article 190(2)(a) PILA). La requérante a fait valoir qu’il y avait de graves erreurs dans le raisonnement de la sentence finale et que la présidente avait quitté son ancien cabinet d’avocats pour le nouveau cabinet d’avocats dont les clients comprenaient le groupe de sociétés auquel appartenait la contrepartie de la requérante.

Soulignant qu’une norme stricte s’applique à l’appréciation de la partialité alléguée, la SFSC a estimé que des erreurs de procédure ou des décisions de fond erronées ne peuvent créer une apparence de partialité que si elles sont particulièrement flagrantes ou répétées et constituent un manquement grave aux devoirs de l’arbitre. En revanche, l’allégation de partialité ne peut pas être utilisée pour critiquer des constatations factuelles ou des appréciations juridiques de la décision arbitrale contestée. En ce qui concerne le déménagement du président dans le nouveau cabinet d’avocats, la SFSC a constaté qu’il avait été convenu après l’évaluation finale du litige par le tribunal arbitral, c’est-à-dire lorsqu’il n’était plus possible d’influencer la décision du tribunal.

c) Les parties doivent rechercher des sources d’information généralement disponibles déjà pendant l’arbitrage

Dans la décision 4A_100/2022 (24/08/2022), la SFSC a traité une demande de révision d’une sentence rendue en 2014. La partie requérante a fait valoir que l’un des arbitres était en conflit d’intérêts et a demandé l’annulation de la sentence sur la base de article 190a (1)(c) PILA et le différend soit renvoyé au tribunal arbitral nouvellement constitué, auquel l’arbitre en conflit n’appartiendrait pas.

La SFSC a d’abord précisé que les nouvelles dispositions sur le recours en révision des sentences arbitrales internationales s’appliquent aux procédures de révision déposées après le 1er janvier 2021, même si la sentence contestée a été rendue avant cette date. Conformément à l’article 190a, paragraphe 1, point c)PILA, une partie peut demander la révision d’une sentence arbitrale si un motif de contestation en vertu de l’article 180(1)(c) Le PILA (doute légitime sur l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre) n’a été découvert qu’après l’achèvement de la procédure arbitrale, malgré la diligence raisonnable, et aucun autre recours n’est disponible.

La SFSC a souligné que la partie souhaitant récuser un arbitre doit soulever le motif de récusation dès qu’elle en a connaissance. Cette règle s’applique aussi bien aux moyens de récusation dont la partie avait effectivement connaissance qu’à ceux dont elle aurait pu avoir connaissance si elle y avait prêté attention. L’exception de composition irrégulière est perdue si elle n’est pas soulevée sans délai. La révision conformément à l’article 190a, paragraphe 1, point c) La PILA exige donc non seulement qu’un motif de contestation en vertu de l’article 180(1)(c) PILA n’a été découvert qu’après la conclusion de la procédure arbitrale ; la partie requérante doit également démontrer que, malgré la diligence raisonnable, le motif de récusation n’a pas pu être découvert et affirmé déjà dans la procédure arbitrale.

Dans cette procédure, la partie requérante a fondé sa demande de révision sur le courrier électronique de l’arbitre du 1er novembre 2013, des registres accessibles au public sur les décisions de justice anglaises et d’autres bases de données disponibles.

La SFSC a estimé que les parties sont tenues de mener des recherches dans les sources d’information généralement disponibles – en particulier sur Internet – sur les arbitres déjà pendant la procédure arbitrale afin d’identifier les éléments susceptibles de révéler un éventuel risque de dépendance ou de partialité d’un arbitre. La SFSC a constaté qu’en l’espèce, il avait déjà été clair au cours de la procédure d’arbitrage qu’un conflit d’intérêts existait ou pouvait survenir. La relation entre l’arbitre et les parties à la procédure aurait dû être clarifiée et une demande de récusation aurait déjà dû être faite à ce moment-là. La SFSC a rejeté la demande de révision car l’exigence de l’article 190a(1)(c) Le PILA n’a pas été respecté.

mise en vigueur

a) Exécution des sentences arbitrales annulées

Dans la décision KSK 21 9 (25/05/2022), le tribunal de dernière instance du canton des Grisons a examiné la question de savoir si une sentence arbitrale annulée dans le pays où elle a été rendue alors qu’une procédure d’exécution était en cours devant le tribunal suisse compétent première instance, peut être exécutée. Se référant à l’article V(1)(e) de la Convention de New York, le tribunal a estimé qu’en principe, le tribunal de l’exécution n’était pas habilité à contrôler l’exactitude de la décision d’annulation et n’avait aucun pouvoir discrétionnaire (discrétion) en matière de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale annulée. Ce qui importe est de savoir si la sentence est contraignante au siège de l’arbitrage ; ce n’est pas le cas s’il a été annulé par un tribunal de ce pays. Sauf dans des circonstances exceptionnelles telles que, par exemple, un abus de droit (État étranger) ou une violation de l’ordre public procédural, les sentences arbitrales annulées ne doivent pas être exécutées.

b) Exécution de l’attribution des dépens

Décision 5A_335/2021 (14.09.2022) concernait l’exécution d’une sentence rendue par un tribunal siégeant à Genève dans le cadre d’un arbitrage mené par les demandeurs A et B contre la République tchèque défenderesse sous l’égide de la Cour permanente d’arbitrage (CPA). Par sentence du 2 mai 2018, le tribunal a rendu la décision suivante :

465. Les prétentions des demandeurs sont rejetées.

  1. Les Demandeurs paieront au Défendeur dans les 28 jours suivant la livraison

de ce prix la somme de 1,75 million de dollars US et 178 125,50 GBP.

  1. Les frais d’arbitrage sont évalués à 714 502,00 GBP, et tout

Le solde détenu par l’APC est remis en parts égales aux parties

conformément à l’article 41 (5) du Règlement de la CNUDCI.

Dans le cadre de la procédure d’exécution, la République tchèque s’est vu refuser l’exécution de l’attribution des dépens parce qu’il ne ressortait pas clairement de l’attribution si les demandeurs étaient conjointement et solidairement responsables de la totalité des montants ou seulement d’une partie chacun, et que le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI et le Règlement suisse lex arbitri n’a fourni aucune indication. La SFSC a souligné que dans la procédure d’exécution, le tribunal examine si l’obligation de payer peut être clairement déduite de la sentence. Ce faisant, il n’a pas à se prononcer sur l’existence matérielle de la demande, ni à s’occuper de l’exactitude matérielle de la sentence. Elle n’a pas à interpréter la sentence soumise et certainement pas à la compléter conformément à une pratique alléguée. Si la sentence soumise n’est pas claire ou incomplète et n’est donc pas exécutoire, il appartient au tribunal de fournir des éclaircissements.

Remarques finales sur la partie I

La SFSC traite régulièrement des questions relatives à l’exécution des sentences arbitrales. Dans la décision 4A_663/2018 (27.05.2019), elle a jugé que seule la méconnaissance flagrante du principe d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre peut entraîner un refus de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale, l’exception d’ordre public devant être interprétée de manière restrictive, notamment lorsqu’il s’agit de la reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères. Concernant la recevabilité d’une saisie sur un bien immobilier d’un Etat souverain en Suisse sur la base d’une sentence arbitrale, la SFSC a jugé dans la décision 5A_942/2017 / 144 III 411 (07.09.2018) que l’exigence d’un lien suffisant s’appliquait, ce qui supposait que le rapport juridique sur lequel était fondée la sentence arbitrale et dont découlait la demande de saisie avait un lien suffisant avec le territoire suisse.

Avec la même régularité, la SFSC aborde également la question de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre. Les principes énoncés ici sont une confirmation et une continuation de la jurisprudence des années précédentes, comme la décision 4A_292/2019 (16.10.2019), dans laquelle la SFSC a traité de la recevabilité de ex parte communication entre un arbitre et le conseil d’une partie.

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