Depuis 2019, un instrument multilatéral sur la réforme du règlement des différends entre investisseurs et États (« RDIE ») est en cours de discussion au sein du Groupe de travail III de la CNUDCI (« GTIII ») en tant que mécanisme potentiel de mise en œuvre d’une série de réformes du RDIE. Le RDIE est envisagé comme le cadre par lequel les États peuvent appliquer diverses caractéristiques innovantes dans leurs différends en matière d’investissement. L’un des principaux avantages et la force motrice du RDIE proposé est la possibilité de rationaliser et d’injecter une certaine uniformité dans le paysage actuel de la protection des investissements et du règlement des différends, qui fait l’objet de critiques de longue date pour sa fragmentation et son incohérence.
Comme nous l’avons expliqué dans notre article précédent, les discussions sur le MIIR se sont concentrées jusqu’à présent sur la forme que pourrait prendre l’instrument (par exemple un instrument avec des protocoles qui pourraient être adoptés sans signature de l’instrument ou une convention unique avec des annexes facultatives). À la suite de la 43e session du GTIII en septembre 2022, le Secrétariat de la CNUDCI a été chargé d’élaborer un projet de MIIR présentant d’éventuelles dispositions de base et décrivant les questions pertinentes qui pourraient se poser concernant la relation du MIIR avec les accords d’investissement existants et son application aux futurs accords d’investissement (A/CN.9/1124).paragraphes 80 à 88). En conséquence, et en prévision de la 49e session du GTIII qui doit se tenir en septembre 2024, le Secrétariat a préparé un premier projet d’instrument multilatéral sur le règlement des différends internationaux en matière d’investissement. (la « Convention »). Cet article examine la structure du projet de MIIR et le mécanisme d’application des différentes options de réforme et propose quelques brèves observations.
La structure et les protocoles d’adhésion au projet MIIR
Le projet est structuré comme une convention-cadre avec des protocoles facultatifs (les « Protocoles »), qui prévoient l’effet juridique des Protocoles contenant les réformes. Les dispositions du projet de Convention couvrent : (i) les objectifs et le champ d’application ; (ii) les parties à la Convention et l’entrée en vigueur de celle-ci ; (iii) le mécanisme d’adhésion pour l’application des Protocoles aux traités d’investissement, y compris les dispositions sur le champ d’application, les cas d’incompatibilité et les réserves ; et (iv) les « dispositions finales », couvrant le dépositaire de la Convention, les protocoles additionnels et les amendements, et la dénonciation. Les exemples décrits comme « illustratifs » (paragraphe 10) sont repris dans les Protocoles à la Convention ; des Protocoles additionnels peuvent être adoptés conformément à la procédure détaillée à l’article 10.
L’article 2 énumère les six Protocoles – A, B, C, X, Y et Z – actuellement à l’étude, en les regroupant en deux catégories. La première catégorie (Protocoles A, B et C) comprend le code de conduite des arbitres, les dispositions types sur la médiation et les projets de dispositions sur les questions procédurales et transversales (ces dernières étant encore en discussion). (Il convient de noter que les Protocoles A et B sont déjà à la disposition des parties à un différend pour application par consentement des parties, sans qu’elles aient à signer la Convention ou les Protocoles.) La deuxième catégorie (Protocoles X, Y et Z) comprend les questions « qui pourraient nécessiter la création d’une institution… qui pourrait également nécessiter un engagement financier » (paragraphe 10), à savoir le statut d’un centre consultatif, le statut d’un mécanisme permanent de résolution des différends et le statut d’un mécanisme d’appel. Cette deuxième catégorie englobant les Protocoles X, Y et Z implique une réforme de bien plus grande portée (et des dépenses) et reste en discussion.
Le mécanisme d’application des réformes du MIIR
Essentiellement, la Convention et les Protocoles sont destinés à fonctionner comme un mécanisme permettant aux États de prendre des décisions. entre soi amendements à leurs traités d’investissement existants (les futurs traités ne relèvent pas actuellement du champ d’application, par. 33). Il est envisagé que les États puissent adopter les Protocoles individuellement ou en combinaison et les appliquer aux traités d’investissement existants par le biais d’un mécanisme de double opt-in. Tout d’abord, les États doivent choisir le ou les Protocoles qu’ils souhaitent appliquer, puis soumettre, par voie de « notification », une liste des traités d’investissement auxquels le ou les Protocoles s’appliqueront (article 6(1)). Ensuite, une fois que toutes les parties à un traité d’investissement particulier ont adopté un Protocole spécifique et inclus ce traité dans leurs notifications, ce traité est réputé avoir été modifié conformément au(x) Protocole(s) (article 7(2)). Si une seule des parties à un traité d’investissement a inclus ce traité dans sa notification, la notification est alors réputée constituer une offre à l’autre ou aux autres parties à ce traité de modifier le traité en adoptant ce Protocole (article 7(3)). L’application d’une clause de la nation la plus favorisée à ces questions (article 7(7)) ainsi que les réserves (article 8) sont expressément interdites.
Pour qu’un tel système d’accords et de notifications fonctionne efficacement, il faudrait disposer d’une source d’information fiable, facilement accessible à toutes les parties prenantes, sur les conventions qui ont été modifiées et sur la manière dont elles ont été modifiées. Une option à cet effet pourrait être l’approche adoptée par l’OCDE avec sa Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (« BEPS MLI »). La BEPS MLI comporte une base de données correspondante.” qui montre quels accords ont été conclus entre quelles parties sur quels amendements. Cependant, certaines questions cruciales restent à résoudre : en particulier, (i) comment le cadre actuellement proposé peut être appliqué aux futurs traités (para. 33), (ii) quelles sont les conséquences d’une notification incorrecte ou incomplète par un État (para. 36), et (iii) comment répondre à la question ouverte de la responsabilité des États de « clarifier activement comment leurs traités d’investissement doivent être modifiés » (para. 34), en tenant compte des exigences de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Dans l’ensemble, cela suggère un nouveau niveau de complexité pour les praticiens du RDIE, qui devront vérifier de multiples sources pour déterminer l’étendue complète des droits et obligations procéduraux des parties en cas de différend relatif à un investissement, et de toute modification de celui-ci.
Remarques finales sur le projet de rapport MIIR
En effet, il appartiendra aux États de déterminer si les efforts supplémentaires requis pour participer au nouveau régime proposé, sans aucun doute complexe, valent la peine de pouvoir appliquer les options de réforme proposées. Pour les États intéressés uniquement par la première catégorie de réformes (dont deux sur trois sont déjà disponibles pour une utilisation séparée de la Convention ou des Protocoles) plutôt que par un changement systémique de grande envergure, il peut tout simplement ne pas être intéressant d’y adhérer. Il ne faut pas non plus oublier que les Protocoles A et B, qui sont déjà disponibles par accord entre les parties au différend (investisseur-État), seraient également disponibles par le biais du MIIR par accord entre les parties au traité (État-État), ouvrant ainsi une nouvelle voie à leur application qui contourne le consentement de la partie au différend investisseur.
Il existe un contraste évident entre les Protocoles A et B (code de conduite et dispositions types sur la médiation, qui peuvent être utilisés sans MIIR) et les Protocoles X, Y et Z, qui conduiraient à la création de nouvelles institutions et à des réformes de grande envergure. Le Protocole C, qui concerne les projets de dispositions sur les questions procédurales et transversales, est en cours de discussion. En ce qui concerne les Protocoles X, Y et Z, il reste beaucoup à discuter, au-delà de la question plus préliminaire de savoir comment ces réformes, si elles sont acceptées, pourraient être appliquées. En outre, les États ont exprimé des inquiétudes (paragraphe 22) que les inconvénients peuvent l’emporter sur les avantages.
Si la Convention représente une avancée majeure dans les discussions du GTIII concernant le MIIR, la 49e session à venir du GTIII sera instructive quant à la manière dont le projet de Convention sera reçu et à la direction que prendra son développement à partir de là. De nombreuses questions restent ouvertes, notamment celle de savoir si les États seraient tenus de devenir partie à tous les Protocoles, ce qui pourrait nécessiter un mécanisme de retrait (paragraphe 11), si les Protocoles devraient avoir leur propre procédure distincte pour prendre effet (paragraphe 20), si les parties peuvent appliquer provisoirement un Protocole (paragraphe 28), comment la procédure proposée interagirait avec les traités qui contiennent des dispositions régissant leur amendement (paragraphe 42) et comment les conflits avec les dispositions des traités pourraient être gérés (paragraphe 47). Une question ouverte plus cruciale est de savoir si et, dans l’affirmative, comment le MIIR s’appliquerait aux futurs traités d’investissement (paragraphe 33), une préoccupation qui a été soulevée lors des discussions. (para. 32) mais n’a pas encore été résolu.
Le MIIR semble être la première étape concrète vers la mise en œuvre des réformes les plus vastes et les plus substantielles du GTIII, à savoir la création du tribunal multilatéral des investissements et du mécanisme d’appel, qui font encore l’objet de débats et de délibérations. Ces éléments de réforme, s’ils étaient mis en œuvre, entraîneraient la création de nouvelles institutions (qu’elles soient ad hoc ou la qualité pour agir) qui pourraient avoir un impact significatif sur les moyens et mécanismes par lesquels les différends entre investisseurs et États sont résolus. Pourtant, les discussions sur le MIIR font partie de ce qui semble être un processus fragmentaire (paragraphe 15), les discussions sur les différents éléments de la réforme progressant à des rythmes différents, en fonction du degré de consensus quant à leur nécessité. Ce n’est que si un consensus suffisant peut être trouvé pour le MIIR et ses protocoles que les choses pourront vraiment avancer. En ce sens, compte tenu du scepticisme exprimé par certains États à l’égard d’une réforme de grande envergure, beaucoup dépend de la 49e session : l’influence ultime du MIIR dépend de son résultat.