Poursuivant le thème central de la 23e Conférence internationale sur l’arbitrage du CBAr, axée sur « l’arbitrage et les infrastructures », les deux panels tenus le 3 septembre 2024 se sont concentrés sur la présentation de preuves techniques dans les différends relatifs aux infrastructures et sur l’impact des investissements étrangers et de la durabilité dans Brésil – des sujets d’une grande complexité, mais essentiels au développement continu de la pratique brésilienne en matière de litiges liés aux infrastructures.
Le premier panel de la journée, modéré par Mme Adriana Braghettaétait intitulé « Preuves techniques dans les arbitrages relatifs aux infrastructures » et était divisé en trois fronts majeurs : (i) la difficulté de prouver le lien de causalité dans les litiges liés aux infrastructures, présenté par Mme Gisela Sampaio da Cruz Guedes(ii) les preuves techniques des retards dans les plannings des projets, présentées par M. Vincent Lefeuvreet (iii) les méthodologies de calcul de la perte de productivité dans les arbitrages liés aux infrastructures, présentées par M. André Steagall Gertsenchtein. Le deuxième et dernier panel, qui a conclu la 23e Conférence internationale sur l’arbitrage du CBAr, a été modéré par M. Fernando Serec. et s’intitulait « L’avenir (du passé) de l’investissement étranger, des infrastructures et de la durabilité au Brésil », présenté par Mme Elena Landau. et Mme Karla Bertocco Trindade.
Les principaux points saillants de ces panels sont décrits ci-dessous.
Preuve technique dans les arbitrages en matière de construction : que prouver et comment le faire ?
a) Volet juridique : Preuve de causalité dans les litiges liés aux infrastructures
Le 3 septembre, Mme Gisela a lancé les discussions en expliquant la complexité de prouver le lien de causalité dans les conflits liés aux infrastructures. Elle souligne que ces litiges impliquent souvent différents types de contrats (allant des contrats de construction « simples » aux contrats EPC plus complexes), qui sont généralement des contrats à long terme, faisant partie d’une chaîne avec divers sous-contrats, et naturellement remplis de lacunes qui nécessitent une résolution. tout au long du projet.
La complexité de prouver le lien de causalité, comme le montre une recherche menée par la Cour fédérale des comptes du Brésil (« TCU« ) en 2019, a été illustré par le fait que 47% des projets de construction au Brésil sont bloqués en raison de problèmes techniques, qui aboutissent souvent à des litiges judiciaires ou arbitraux.
Abordant le problème de l’établissement du lien de causalité dans de tels litiges, Mme Gisela a souligné cinq problèmes de causalité courants dans les litiges relatifs aux infrastructures : (i) la définition du lien de causalité concurrent et l’interruption du lien de causalité, généralement dus à des événements imprévus et/ou à un cas de force majeure, (ii) les discussions concernant les calendriers des projets et déterminer qui a causé le retard, (iii) les litiges concernant les causes de perte de productivité et les méthodes de calcul, (iv) les cas d’accidents survenus dans des projets à grande échelle et leurs causes, et (v) la répartition des dommages entre les parties solidairement responsables .
Face à ces problématiques communes, comment prouver le lien entre le dommage allégué et l’acte illicite ? Malgré la réticence des arbitres et des juges à le faire, en raison de la crainte de rendre des décisions fondées sur l’équité, Mme Gisela a souligné que parfois le lien de causalité doit être prouvé au moyen d’un jugement de probabilité, basé sur l’analyse du scénario le plus probable compte tenu des preuves existantes. . Ce processus s’appuie sur des preuves techniques, telles que des documents de projet, des rapports techniques et d’autres données, formant ce que l’on appelle la « causalité naturaliste ». Après une évaluation logique de ces preuves, le décideur peut identifier ce que Mme Gisela appelle la « causalité normative », c’est-à-dire le cadre juridique appliqué à l’ensemble des faits et des informations identifiés grâce aux preuves techniques.
En plus de souligner les complexités de la preuve du lien de causalité normatif, Mme Gisela a suggéré que la création d’un comité de règlement des différends multidisciplinaire pourrait faciliter la preuve du lien de causalité, évitant ainsi (i) l’accumulation de conflits et (ii) la perte de documents liés aux problèmes du projet au fil du temps. .
b) Aile technique : preuve de l’impact sur les plannings et la perte de productivité du point de vue de l’expert
Une fois les fondements juridiques de la preuve technique dans les litiges d’infrastructure établis, M. Lefeuvre, qui présidait le deuxième panel le 3 septembre, a expliqué en détail tous les processus et sous-processus impliqués dans la « vie » d’un projet d’infrastructure (par exemple, les intrants , résultats, ressources, interfaces, délais, coûts, etc.).
Du point de vue d’un expert en ingénierie, il a fourni des lignes directrices clés concernant les chaînes causales généralement contestées par les parties pour déterminer la responsabilité des impacts sur le calendrier (causes primaires et intermédiaires et leurs effets sur le calendrier). Il a également discuté des méthodologies possibles qui peuvent être utilisées pour calculer le caractère excusable et indemnisable des retards d’horaire, qui sont souvent soumis à des preuves techniques.
M. Lefeuvre a souligné deux méthodologies de calcul des coûts indirects des horaires impactés (parmi les différentes méthodes que les experts peuvent adopter) : (i) la méthodologie « tel que prévu, tel qu’impacté », utilisée pour évaluer l’excusabilité des impacts d’horaires, permettant l’expert pour « isoler » le retard des autres jalons du calendrier, et (ii) la méthodologie « tel que construit, tel que détruit », qui aide l’expert à évaluer la compensabilité des impacts du calendrier en soustrayant le retard du calendrier tel que construit.
Poursuivant l’aile technique du premier panel, M. Gertsenchtein a clarifié la distinction entre la production (la quantité totale produite) et la productivité (la quantité produite multipliée par le temps nécessaire pour la produire) et a discuté de leur pertinence pour les preuves techniques dans les différends relatifs aux infrastructures. Il a ensuite présenté certaines méthodologies courantes pour calculer la perte de productivité dans les conflits liés aux infrastructures (par exemple, « méthode du coût total », « méthodes comparatives », entre autres). Selon M. Gertsenchtein, ces méthodes visent à séparer la part de perte de productivité imputable à l’entrepreneur de celle imputable à l’employeur. En ce sens, M. Gertsenchtein a identifié la méthode du « Measured Mile » comme la plus appropriée, car elle permet de comparer la « productivité impactée » avec la « productivité naturelle » (optimale productivité, sans impacts), ce qui en fait la seule méthodologie capable d’analyser la perte de productivité de l’entrepreneur, et non seulement celle de l’employeur.
Bien que la méthodologie du mile mesuré soit la plus appropriée pour calculer la perte de productivité, M. Gertsenchtein a souligné qu’elle nécessite la disponibilité d’une « section » (ou d’un « mile ») pertinent pour être utilisée comme paramètre, ce qui n’est pas toujours disponible, selon sur le projet en cours d’analyse.
Investissements étrangers et infrastructures : comment offrir une sécurité juridique aux investisseurs étrangers intéressés par le Brésil ?
Les investissements nationaux du gouvernement brésilien sont insuffisants pour répondre aux besoins en infrastructures, ce qui rend la participation des investisseurs étrangers essentielle au développement régulier de l’économie nationale.
Avec cette prémisse établie par le modérateur M. Fernando Serec, le panel final de la conférence a commencé. Mme Elena Landau a d’abord souligné comment l'(in)sécurité juridique peut affecter l’attraction des investissements étrangers au Brésil. Le risque politique, par exemple, marqué par de fréquents changements de législation et par l’ingérence du gouvernement dans les contrats d’infrastructure, peut avoir un impact sur l’efficacité des contrats avec l’administration publique et, par conséquent, dissuader les investisseurs étrangers.
Elle a également souligné l’importance de certains facteurs pris en compte par les investisseurs lorsqu’ils décident d’investir ou non au Brésil, notamment les suivants :
- Le pays est-il membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (« OCDE ») ?
- A-t-elle une véritable politique de développement durable ?
- Existe-t-il une viabilité budgétaire et des politiques de taux de change stables ?
Selon Mme Landau, les réponses à ces questions sont cruciales pour que les investisseurs décident d’investir ou non au Brésil. Même si la réglementation s’est beaucoup améliorée, le cadre politique et législatif brésilien laisse encore parfois les investisseurs étrangers dans l’incertitude.
Soutenant les arguments de Mme Landau, la dernière intervenante de la journée, Mme Karla Bertocco Trindade, a souligné que les investisseurs ont tendance à préférer placer leurs capitaux dans des pays membres de l’OCDE et/ou bénéficiant d’une notation de qualité investissement, deux pays que le Brésil a reste à réaliser. Elle a ajouté qu’au-delà du risque politique, les risques réglementaires, de taux de change, d’ingénierie et socio-environnementaux sont également pris en compte lorsque les investisseurs décident d’orienter ou non leurs ressources vers le Brésil. Malgré ces instabilités, il existe encore des exemples réussis d’investissements étrangers dans des entreprises brésiliennes, comme la récente privatisation de la « SABESP » – Société nationale d’eau et d’assainissement de São Paulo..
Conclusion
En conclusion, la 23e Conférence internationale sur l’arbitrage du CBAr, axée sur « l’arbitrage et les infrastructures », a fourni des informations précieuses sur les complexités de l’arbitrage dans le secteur des infrastructures au Brésil. Dans l’ensemble, ces débats soulignent le développement et le perfectionnement continus requis dans les pratiques d’arbitrage et la nécessité pour le Brésil de continuer à favoriser un environnement propice aux investissements étrangers et à une croissance durable.
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